Projet CARBON sur FOS : le revers de la médaille…
A – Sur le plan environnemental et risque industriel :
CARBON c’est quoi ?
C’est le projet d’implantation, à Fos, d’une giga usine, sur 62 hectares, dédiée à la fabrication de plaquettes de silicium, de cellules et de panneaux photovoltaïques, avec pour ambition de concurrencer la Chine, leader mondial du secteur.
Mais, pour les Fosséens, c’est aussi :
Un 13ème site SEVESO «seuil haut», représentant un danger industriel accru, quand les simulations démontrent déjà la difficulté d’évacuer la population face aux risques actuels.
Sans le préalable de la réalisation d’infrastructures adéquates, à commencer par des routes, cela revient à accroître un danger de mort pour des milliers de personnes. ☠️
C’est donc d’une irresponsabilité folle !
Rappels :
La classification SEVESO «seuil bas» ou «seuil haut» dépend du niveau de dangerosité des produits utilisés et de leur quantité stockée sur site. La ZIP de Fos compte déjà 15 sites SEVESO, dont 12 «seuil haut».
Les analyses préliminaires du projet CARBON ont classé «forts» ses risques technologiques et industriels induits.
Encore plus de produits dangereux et des rejets qui vont s’ajouter à l’effet cocktail.
Pour son process de production industrielle, CARBON annonce l’utilisation annuelle de :
19 000 tonnes de produits chimiques,
22 000 tonnes de gaz liquides,
13 000 tonnes de polymères,
22 000 tonnes d’aluminium,
15 000 tonnes de polysilicium,
de différents acides sous forme liquide (nitrique, lactique…), de différents gaz (argon, ammoniaque, azote…), de peroxyde d’oxygène, de potassium, de soude…
NB : une instruction du gouvernement datée du 06/11/2017 restreint l’accès du public à la liste et aux quantités de substances utilisées par les sites SEVESO «seuil haut», considérant ces informations potentiellement sensibles, car pouvant faciliter des actes de malveillance.
CARBON annonce aussi des rejets de NOx, CO2, SO2…, présentés comme «résiduels» et «soumis à des seuils licites».
Malgré les promesses de «vigilance», «confinement», «circuits fermés», «filtration», «épuration» et «respect des normes» de pollution en vigueur, on est en droit de s’inquiéter.
Surtout quand on connaît le nombre et le niveau du non-respect de ces règles et normes officiellement constatés sur la ZIP au cours de ces dernières années.
Un projet très consommateur en énergie (plus de 1,2 TWh/an) et en eau.
2,7 millions de m3/an d’eau souillée à épurer avant rejet de 1,3 million de m3/an dans la nature.
Cette eau, propre à l’origine (Rhône), sera souillée chimiquement et nécessitera, après usage, un traitement d’épuration pour retirer les matériaux polluants, notamment les acides et alcalins utilisés pour le lavage des plaquettes de silicium (wafers) et la production des cellules. Une partie de cet eau sera réutilisée dans le process et 1,3 million de m3/an sera rejeté dans la nature.
490 000 T/an de marchandises, donc plus de camions (car multimodal… «à terme»).
CARBON prévoit une circulation de marchandises (matières premières, matériaux, composants et produits semi-finis ou finis) de 490 000 tonnes/an, soit l’équivalent de 20 000 containers. La quantité de marchandises sortantes est estimée à 217 000 tonnes/an.
Cela signifie plus de camions en rotation permanente sur site et plus de camions sur les routes, donc plus de CO2, car le transport routier des produits finis risque d’être longtemps prépondérant, malgré les promesses de développement «à terme» du ferroviaire et du fluvial.
NB : dans les analyses préliminaires du projet, sont classés «majeurs» les enjeux environnementaux pour : la faune et la flore (terrestre et maritime), les zones humides, le transport, la consommation et la gestion de l’eau.
Conclusion : Cette giga usine CARBON contribuera (peut-être) à décarboner (un peu) l’Europe, mais sûrement pas Fos-sur-Mer et son territoire qui subiront une majoration du risques industriel et encore PLUS de pollution et de nuisances.
B – Sur le plan économique :
CARBON ambitionne de concurrencer la Chine, leader mondial du panneau photovoltaïque : un objectif utopique doublé d’un mauvais choix stratégique.
La giga usine envisagée sur Fos représenterait un investissement de plus de 1,5 milliard d’euros, soit le prix d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins neuf. Mais cet investissement est loin d’être bouclé. Et même s’il parvenait à l’être, ce serait un mauvais choix d’investissement par rapport à l’objectif poursuivi.
Pourquoi ?
Parce qu’il faudrait être naïf pour croire que les Chinois laisseront l’ombre d’une chance à cette usine fosséenne, fusse-t-elle «giga», eux qui :
Dominent ce domaine industriel depuis plus d’une décennie,
Monopolisent toutes les étapes de la chaîne de production,
Possèdent les 10 premiers fournisseurs mondiaux,
Ont investi, depuis 2011, plus de 50 milliards de dollars dans le développement de ce secteur (10 fois plus que l’Europe qui importe 84% de ses équipements),
Détiennent plus de 85% du marché mondial des panneaux photovoltaïques,
Sont les plus gros producteurs de silicium polycristallin (matière 1ère utilisée pour fabriquer ces panneaux),
Sont aujourd’hui les banquiers de la planète.
La Chine a largement les moyens de rendre ce projet CARBON non compétitif à l’échelle mondiale.
Même si l’usine de Fos parvenait à produire le m2 de cellules photovoltaïques à un prix correct par rapport aux Chinois (ce qui n’est pas gagné), ces derniers, grâce à leur leadership, leurs atouts économiques (coûts marginaux faibles, coût MO, marchés intérieur et extérieur, investissements à l’étranger, accords internationaux…) auraient tôt fait de baisser leurs prix pour anéantir la moindre compétitivité de l’usine Fosséenne.
C – Alors que faire ?
La France doit concentrer ses capacités financières (limitées) à miser sur de la R&D (pour les batteries de nouvelle génération par exemple) et des projets innovants, mais réalistes, dans des domaines vis-à-vis desquels elle détient un réel avantage comparatif, c’est-à-dire, en matière d’énergie : l’éolien offshore, l’H2, le power to gas… y compris le nucléaire (même si plus contesté), car il faut bien reconnaître que nous sommes toujours (mais pour combien de temps encore ?) champions en la matière.
Philippe MAURIZOT
Ancien Conseiller régional
Vice-président de la Commission Industrie-Innovation-Nouvelles technologies & Numérique
Conseiller municipal de Fos-sur-Mer
pour le groupe d’élus «Concrétisons nos espoirs»
et sympathisants.
Nous vous remercions pour votre participation à la concertation.